Acta, Sopa, Pipa, ou la fin de l'internet libre?
Par Aquilegia le samedi, 21 janvier 2012, 13:42 - Société - Lien permanent
Acta, Sopa, Pipa, nouveaux outils législatifs contre le partage sur internet (mais pas seulement), sont finalement arrivés sur le devant de la scène médiatique, après être restés dans l'ombre ces derniers mois. Le but de Sopa et Pipa? Permettre aux ayant-droits américains de bloquer l'accès à un site, même non américain, proposant un contenu soumis à droits d'auteurs sans autorisation, de le déréférencer et de bloquer les comptes des propriétaires. Voici un extrait d'une lettre écrite par les fondateurs d'internet au Congrès américain pour exposer les injustices et dangers d'un tel système, qui signerait tout simplement la mort de l'internet libre en accordant une incroyable liberté de censure à des sociétés privées :
Tous les projets de censure entravent la communication au-delà de la catégorie qu'ils étaient destinés à restreindre, mais ces lois sont particulièrement flagrantes à cet égard car elles causent la disparition de domaines entiers du Web, pas seulement des pages ou fichiers illégaux. Pire, un nombre incroyable de sites utiles et parfaitement respectueux des lois peuvent être mis sur liste noire par ces propositions. De fait, il semble que cela ait déjà commencé à se produire suite aux récentes procédures de saisie de nom de domaine (DHS/ICE).
(...) Si les États-Unis commencent à utiliser leur position centrale dans le réseau pour mettre en place une censure servant leurs intérêts politiques et économiques, les conséquences seront d'une grande portée et destructrices.
Sénateurs, députés, nous croyons qu’Internet est trop important et trop précieux pour être menacé de cette façon, et vous implorons de mettre ces projets de loi de côté.
Incapable de s'adapter à un système qui remet son fonctionnement en cause (comme l'avaient fait avant, en suscitant les même larmoiements, la cassette audio et la cassette vidéo), le lobby des majors de l'industrie de la culture a décidé de le détruire. Ainsi ont fait les moines copistes au début de l'imprimerie. Ainsi veulent-ils continuer à exploiter des artistes auxquels ils ne reversent que des miettes, en prétendant les défendre contre leur propre public, alors même que les études indépendantes sur le sujet montrent que le public en question ne se sert du "piratage" que pour mieux... faire le choix de ce qu'il achète. Eh oui, les causes des baisses des ventes (quand baisse des ventes il y a, ce qui n'est pas le cas, par exemple, de la fréquentation des cinémas) ne sont pas dans le téléchargement.
Suite à l'annonce du vote de Sopa et Pipa, plus de 7000 sites, dont Wikipedia (anglais), ont manifesté contre ces projets de lois en instaurant des black-out. Avaaz a lancé une pétition qui a recueilli plus de 3 millions de signatures (dont les nôtres, bien sûr). En conséquence de ce soulèvement massif, également soutenu par des artistes, le vote a été repoussé. Mais rien n'est encore gagné.
Et au niveau mondial, la menace est encore bien plus grande, avec Acta, voté en douce, dans la discrétion et sans tapage. Sans débat. La Quadrature du Net, depuis des mois, essaye de mobiliser, en vain, l'opinion publique :
ACTA est une offensive de plus contre le partage de la culture sur Internet. ACTA (pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou accord commercial anti-contrefaçon) est un accord négocié secrètement de 2007 à 2010 par un petit "club" de pays (39 pays, dont les 27 de l'Union européenne, les États-Unis, le Japon, etc). Négocié plutôt que débattu démocratiquement, ACTA contourne les parlements et les organisations internationales pour imposer une logique répressive dictée par les industries du divertissement.
ACTA créerait de nouvelles sanctions pénales forçant les acteurs de l'Internet à surveiller et à censurer les communications en ligne. Cet accord est donc une menace majeure pour la liberté d'expression en ligne et est porteur d'insécurité juridique pour les entreprises de l'Internet. Au nom du droit des marques et des brevets, il pourrait également freiner l'accès aux médicaments génériques dans les pays pauvres.
Avaaz a lancé une autre pétition, dans l'urgence, alors que tout est peut-être déjà joué, pour "sauver l'internet libre". Et puis, MegaUpload a été fermé, l'industrie du copyright est entrée en guerre contre les créatures qu'elle a enfantées, bousculant la routine de millions de gens qui se sont enfin réveillés, ont réalisé qu'une injustice pouvait les priver de leurs données personnelles sous couvert de protéger les intérêts des majors, les intérêts des 1% aux dépends des 99% d'autres.
Le retrait par le FBI du site MegaUpload est utile à de nombreux égards. Il montre bien la violence aveugle des États Unis dans l'application du droit d'auteur au niveau mondial. Cette affaire donne un aperçu de ce qui pourrait devenir la norme si PIPA ou ACTA étaient adoptées. En outre, la censure de MegaUpload montre à quel point les services centralisés sont fragiles et facilement contrôlables. Elle résonne comme un vibrant appel à l'utilisation de protocoles pair à pair décentralisés pour le partage sans but de profit entre individus. Il nous faut urgemment réformer un droit d'auteur malade devenu nuisible à l'architecture même de l'Internet libre. (Jérémie Zimmermann, la Quadrature du Net)
Mais c'est en amont qu'il fallait se mobiliser. Voilà ce qu'il aurait, ainsi que le fait remarquer Joe Brockmeier, fallut que les sites qui ont instauré un black-out pour protester contre Sopa et Pipa disent :
Aujourd’hui, nous recourons à une mesure extrême afin d’alerter les citoyens des propositions de loi qui menacent l’internet. Nous agissons ainsi parce que c’était la seule façon d’attirer votre attention. Les médias d’information principaux n’allaient pas vous informer sur SOPA ou PIPA. Beaucoup de vos élus veulent faire passer de force des lois dangereuses parce que ceux qui les financent l’exigent, et ils savent que vous ne leur en tiendrez vraisemblablement pas rigueur. Il est crucial de faire rejeter SOPA/PIPA, mais il y a plus important encore : que vous vous intéressiez à ce qui se passe et soyez plus exigeants avec votre gouvernement. Même si nous repoussons SOPA, la problématique perdure. Demain, chacun reviendra à ses moutons, mais il ne tient qu’à vous que les membres du Congrès reprennent leurs mauvaises habitudes ou non.
À cause de ou grâce au scandale de MegaUpload, l'opinion publique semble enfin se réveiller. Peut-être va-t-elle réaliser à quel point le web ouvert, notre espace de liberté, notre internet à nous, est menacé, et pas seulement par Acta, Pipa et Sopa, mais aussi par nos actions, l'usage que nous en faisons, l'aveuglement qui nous fait préférer un joli iphone ou la facilité d'un face-book ou d'une "informatique dans les nuages", à notre liberté. Peut-être l'opinion publique réalisera-t-elle que Richard Stallman, le fondateur du logiciel libre avait raison depuis le début. Même s'il paraissait être un geek parano. Peut-être trop tard.
Les artistes ne sont que les vaches à lait de leurs producteurs, diffuseurs,... Lesquels les exploitent et les montent contre leur public. Heureusement, tous ne sont pas dupes, et certains ont compris que le téléchargement (légal ou pas), était un formidable outil, qui leur permettrait justement de se sortir de ce cercle infernal où ils ne reçoivent que des débris. Nine Inch Nails, meilleure vente sur Amazon.en il y a deux ans, a mis ses morceaux sous licence creative commons, ce qui permet à leur public de les diffuser librement sans contrainte. Et ils expliquent pourquoi ça marche. Radiohead, et combien d'autres, vendent maintenant sans intermédiaire, directement à leur public? Dans tous les domaines, littérature, musique, cinéma (liens), on trouve de plus en plus d'artistes qui préfèrent profiter du partage, inventer un nouveau modèle économique, plutôt que de continuer à se soumettre à des majors ou à des organismes qui leur prennent davantage qu'ils ne leur donnent pour leur diffusion.
La "défense des artistes", qui n'est que la défense des intérêts des majors, permet de donner aux gouvernements et à des entreprises privées de formidables outils de censure dont ils ne pourront qu'abuser. Peut-être est-il encore temps de nous lever, de protester, de rejoindre des manifestations comme celle-ci, pour faire comprendre à nos gouvernements qu'avant d'être des consommateurs, nous sommes des citoyens:Internet, une chance pour les artistes
Il faut distinguer ici les "artistes" et les "produits commerciaux". Pour faire (très) simple, le milieu de la musique est très disemblable si l’on se place du côté de l’industrie musicale (qui porte si bien son nom) ou des "artisans" de la musique. Parce qu’il y a bien plusieurs niveaux de lecture en ce qui concerne les usages d’internet en matière de "création".
Pour prendre l’exemple français, il suffit de regarder les meilleures ventes d’albums de 2011. Dans le Top 5, il y a trois "artistes" français : Nolwenn Leroy, Les Enfoirés et Les Prêtres. Quel point commun y a-t-il entre ces trois albums ? Ce ne sont que des reprises ! Soutenir la création, c’est donc subventionner une industrie qui recycle encore et toujours les mêmes recettes (en vrac : Chimène Badi, Dave, Les Marins d’Iroise, Lulu Gainsbourg…).
La loi Hadopi est bien faite par et pour les grandes majors, il n’y a plus de doutes là dessus depuis longtemps. Des majors qui se remplissent les poches avec des albums de reprise donc. La création et l’exception culturelle française en prennent un sacré coup...
Mais pour ceux que j’appelle les "artisans" de la musique, ceux qui profitent des avancées technologiques pour s’auto-produire à moindre coût, le constat est bien différent ! Beaucoup de ces groupes avec un réel projet artistique et une vraie personnalité galèrent et jettent parfois l’éponge face à l’hypocrisie d’un milieu dominé par les majors d’un côté et les "acteurs culturels" officiels de l’autre. A coup de grands projets, de noms barbares (comme pour l’Education nationale, ça fait bien d’inventer des mots que l’on est les seuls à comprendre, lorsqu’il y a réellement quelque chose à comprendre derrière d’ailleurs…).
Nous appelons toutes les personnes qui souhaitent défendre Internet en tant que zone libre et indépendante, préserver l’anonymat, protéger la liberté de s’exprimer, de partager et de publier, à répondre à notre invitation. Rappelons aux pouvoirs qui croient nous représenter ou décider à notre place que nous, le peuple, sommes souverains, libres et responsables.
Parce que nous sommes tous des citoyens à la fois usagers et acteurs d’Internet, que des lois comparables à des dispositifs de contrôle parental nous prennent pour des enfants, des criminels, des pédophiles, des nazis ou des terroristes, nous vous donnons rendez-vous ici pour découvrir prochainement plus de renseignements sur la date et le lieu exacts de l’opération Anonymact.
Il faut défendre notre anonymat sur Internet parce que notre liberté ne doit pas être surveillée par des puissances elles aussi anonymes mais non légitimes. Parce que notre liberté ne doit pas être entravée par des lois absurdes et intéressées, aussi coûteuses qu'inefficaces. Parce qu'Internet doit rester notre espace public.
Des députés polonais du Mouvement Palikot (parti de gauche) derrière un masque de Guy Fawkes, le 26 janvier 2012, pour protester contre la signature par l'UE de l'accord ACTA. A.KEPLICZ/AP/SIPA (source), signe de ralliement des Anonymous. Ni "pirates" ni "voleurs", les Anonymous ce sont eux, vous, nous, tous les citoyens qui refusent d'être muselés.
Il y a tellement à faire... Imaginer, discuter et mettre en œuvre des moyens simples pour rémunérer les artistes lors du téléchargement (mini-dons, licence globale... il existe une multitude de solutions), lutter pour que des solutions raisonnables soient votées :
- Il faut impérativement mettre au clair que le monopole du copyright ne peut s’étendre à ce qu’une personne ordinaire peut faire avec un équipement ordinaire, chez lui, et sur son temps libre ; ce monopole doit ne réguler que l’activité commerciale, dans le but de faire du profit. En particulier, le partage de fichiers est toujours légal.
- Échantillons gratuits. Il doit exister des exceptions qui rendent légale la création de remixes et de mashups. Les droits de citation tels qu’ils existent pour le texte, doivent être étendus aux sons et aux vidéos.
- Les outils de restriction des droits numériques (DRM) devraient être rendus illégaux, car c’est une escroquerie qui nie les droits des consommateurs et des citoyens, à défaut il doit au moins être possible de les contourner légalement.
- Le monopole du copyright commercial basique est ramené à cinq ans à dater de la publication, extensible à vingt ans si l’oeuvre a été enregistrée dans une base de données appartenant au monopole du copyright.
- Le domaine public doit être renforcé.
- La neutralité du Net doit être garantie.
- La levée d’impôts sur des médias vierges est mise hors-la-loi.
- De manière générale, la limite doit toujours être très clair. Les déclaration du genre « la justice en décidera » ne sont pas acceptables et sont équivalents à la mise hors-la-loi.
Cette proposition raisonnable, équilibrée, réalisable et réaliste résoudrait 99% des problèmes actuels, tout en maintenant l’ensemble des quatre aspects du monopole instauré par le copyright.
Le parlement européen DOIT refuser Acta (pétition).
Nous avons connu un internet libre et ouvert, un espace de liberté
d'expression et de création, d'innovation, mondial, sans autre barrière
que celle de la langue. Pour les intérêts de quelques-uns, et dans
l’indifférence de beaucoup d'autres, il risque de disparaître. Comme
c'était déjà le cas lors des votes de Davdsi et Hadopi, Brume
d'Argent soutient la Quadrature du Net, l'April et toutes les
associations de défense de la liberté d'expression et d'un internet libre et ouvert.