Vampire : La Mascarade

Sica

Sica (prononcer shi-tcha) est une amérindienne d'à peine plus d'un mètre soixante, pour environ une cinquantaine de kilos. Toujours vêtue d'un treillis et d'un T-shirt moulant, elle est rapide, agile, et taciturne. Son clan? Allons, ne me dites pas que vous n'avez pas deviné...

Je suis née à Pine Ridge, en 1967. Vous connaissez Pine Ridge? C'est un endroit merveilleux. J'y ai passé les dix neuf premières années de ma vie, à détruire ce que d'autres avaient oublié d'achever.
Il y a deux façons de vivre à Pine Ridge. Avec l'alcool, ou avec l'alcool. Moi, je ne fais jamais comme les autres, alors j'ai choisi la violence. J'étais la dernière de ma famille, derrière cinq frères d'au moins cinq ans mes aînés, un accident pour ma mère, qui se prostituait pour se procurer l'alcool de l'oubli. Mon père était un blanc, c'était la seule chose que je savais, et en conséquence je n'ai jamais été vraiment considérée comme une indienne. Je n'étais rien, pour personne, et je méprisais tout le monde.
J'ai donc trouvé refuge dans la violence. A seize ans j'ai pris la tête d'une minable bande de tire laine après en avoir tabassé tous les membres jusqu'à ce qu'ils cèdent en pleurant des larmes de douleur sur leurs joues crasseuses. J'avais laissé tomber l'école depuis déjà longtemps. De toutes façons, aucune autorité n'avait jamais eu de prise sur moi, ma mère passant le plus clair de son temps ivre morte sur la table, et mes frères ayant leurs « affaires ». Quant aux autres... mieux vaut ne pas en parler.

J'ai vite trouvé comment occuper mes journée, et surtout mes nuits, avec ce nouveau jouet que représentait la bande. J'ai détroussé beaucoup de touristes, et je prenais plaisir à passer à tabac ceux qui se promenaient trop seuls, trop tard. Je n'avais peur de rien, ni de personne. Si l'adversaire était plus fort, ce n'était qu'une question de temps, et de roublardise. Mes frères m'avaient malgré eux appris cela. Ne jamais baisser les yeux, et attaquer dans le dos si c'était nécessaire. Je détestais tout le monde autant que je me détestais moi même, que je détestais ma vie dénuée de sens. C'est à ce moment là que les gens ont commencé à m'appeler « Sica », la « mauvaise ».
La seule personne que je supportais de voir sans avoir immédiatement envie de la frapper était ma grand mère oglala, qui vivait dans sa maison comme une recluse.

Ma vie a changé le lendemain de mes dix neuf ans. Avec ma bande, lors d'une de nos errances, nous avions repéré, une nuit, un perdu, qui fouillait dans une poubelle. Nous l'avons pris en chasse, le suivant, l'asticotant, le harcelant de nos railleries racistes. Quand le premier d'entre nous s'est approché pour le frapper, la main de l'inconnu a volé vers son cou, et un sinistre craquement a résonné, et il s'est écroulé, mort. Les autres sont restés les bras ballants, puis ont couru vers l'homme pour lui faire sa fête. Ils sont tous tombés les uns après les autres. Leur sang a ruisselé dans le caniveau, leurs tripes se sont étalées sur le sol. Même ceux qui ont essayé de fuir ont été rattrapés et éventrés. Dans ma vie vouée à la violence, je n'en avais jamais vu autant.
Pour finir, j'étais toute seule. L'homme m'a regardée dans les yeux et m'a souris, de ce sourire que je connaissais trop bien pour l'utiliser sur mes proies à terre.
Je n'ai pas baissé les yeux. Je lui ai rendu son sourire, et je me suis battue, comme jamais je ne m'étais battue, parce que je n'avais rien à perdre. C'était le premier combat de ma vie qui avait un sens. Je me suis démenée, usant de tous mes tours, de toutes les ficelles tordues que je connaissais. Pourtant, il était trop rapide, et je me rendis vite compte qu'il jouait avec moi comme le chat avec une souris. Je voulais le tuer. Oh que je voulais le tuer!
Quand il en a eu assez, il a arrêté ma dernière attaque en me tordant un bras, qui s'est brisé sous le choc, et a posé son autre main sur mon cou. Il m'a regardée dans les yeux pendant une longue minute, où je n'entendais que le bruit des gouttes de mon sang heurtant le trottoir.
Je n'ai pas baissé les yeux. J'ai concentré toute ma haine dans mon regard, en espérant qu'elle le consume. Il m'a dit: « Veux tu devenir comme moi? » Et j'ai répondu : « Oui, si je peux te tuer! ». Il a souris, et j'ai vu ses crocs. Il a dit « Tu pourras toujours essayer », et m'a embrassée dans le cou.

Quand je suis revenue à moi, j'étais allongée dans une grotte. Mon bras était bandé, et il faisait nuit noire. Lui, il était assis à l'entrée de la grotte, et fumait sans rien dire.

Avec lui, j'ai davantage appris en une année que durant toute ma vie précédente.
J'ai revu ma grand mère une seule fois. Elle m'a regardée, et elle a eu peur. Elle m'a nommée « Sica », comme les autres. Elle m'a chassée de chez elle en implorant la protection des esprits.
Désormais, pour moi, que les gens soient indiens ou blancs n'avait plus la moindre importance, car ils étaient tous mortels, à ma différence.

Nous avons voyagé, vu du pays, et même plusieurs continents, puisque nous sommes régulièrement allés jusqu'en Europe.
Paradoxalement, il a fallu que je devienne un de ceux qui marchent la nuit pour apprendre à enfin maîtriser la bête en moi. Maintenant que je pouvais vraiment la sentir, la reconnaître, je pouvais aussi la contraindre.

J'ai appris à aimer la solitude, puisque la compagnie des gens ne me convenait que rarement.
Archibald et moi voyagions le plus souvent sous la lune, comme les indiens d'autrefois. Il m'a appris à me battre, et aussi une forme de sagesse qui veut que l'on ne se batte que quand c'est nécessaire, et pas pour tuer le temps.
Souvent, je lui disais : « Apprends moi encore tes tours, pour que je puisse te tuer un jour... » et il riait fort, même si nous étions en plein territoire garou. Il était comme ça... Et moi, enfin, j'avais un frère.

Kateri « Sica » Wakan


Sica
Sica, vue par Aquilegia