Nicolas Mitric
interview réalisée en 2006
Bibliographie:
- Anatole et compagnie
- Arkeod
- Kookaburra
- Kookaburra Universe
- Tessa agent intergalactique
- Verseau
- La Voie du silence
Quel
métier voulais-tu faire lorsque tu étais enfant ?
(rire ) Je voulais être paléontologue.
Quand j'étais petit, j'avais des cartes
illustrées de
dinosaures que j'échangeais avec mes camarades. Je
connaissais
leurs noms par coeur. Sinon, les dessins sur les cartes m'attiraient
mais je n'avais pas encore l'idée de faire de la B.D.
Par
la suite, on m'a orienté vers l'architecture, mais je me
suis
finalement retrouvé dans la menuiserie ( sourire )...
J'ai
perdu du temps.
Qu'est
ce qui t'as motivé a faire de la B.D.?
J'ai
donc débuté par des études de
menuiserie. J'ai
fait des stages mais j'ai jamais pratiqué. Ensuite, je me
suis
aperçus que j'aimais bien dessiner.
Les
années 80, c'était l'ère de la pub :
je voulais
être illustrateur de pub. J'ai tenté des concours
que je
n'ai pas eu. Le domaine de la publicité
commençait à
décliner, j'ai donc cherché à
m'orienter vers
autre chose mais en restant dans le domaine de la création.
Je
me suis inscrit dans une école de Design –
après en
avoir réussi le concours d'entrée. Je ne suis pas
allé
jusqu'au diplôme mais j'ai trouvé du boulot entre
temps.
Et
ensuite?
Je
me suis vite rendu compte que la marge de création
était
restreinte car il y avait des codes à respecter. En
parallèle
au boulot, j'ai donc essayé de trouver une zone de
liberté
créative.
J'ai
commencé à écrire les base du
scénario de
mon premier album, Archéod. Pour les dessins, j'ai
demandé
à un pote de promo, Bruno Vieillard ( ndr-dessinateur de la
série « Coeur de
Royaume » chez Soleil )
de s'en charger. Lui, il avait la culture de la planche B.D., car il
en faisait depuis qu'il était enfant. Hélas, il
avait
un style plus humoristique que réaliste, ce qui ne collait
pas pour Archéod. En plus, il ne se sentait pas l'envie
d'aller plus loin.
J'ai
donc dû me charger de l'intégralité de
la
réalisation, scénario et dessin. Pourtant,
à la
base, je pensais plus raconter des histoires que dessiner.
J'ai
mis quatre ans avant de signer car je devais apprendre les codes. Je
ne connaissais personne dans le monde de la BD qui puisse me
conseiller. J'encrai à la plume sur du bristol... Je
travaillais sans aucune base, en utilisant du matériel
inadapté... Et en plus je continuais à bosser en
tant
que graphiste pour pouvoir manger.
Comment
t'es venu l'idée d'Archeod ?
J'ai
lu le livre « l'Énigme
Sacrée »
en 93. C'est l'enquête d'un journaliste de la BBC autour du
mythe de Jésus, de son jumeau et du secret des templiers
.Sur
une vision transversale, j'ai vu des corrélations. Voulant
faire un récit d'anticipation, ça m'a
donné
envie de traiter ce genre de sujet. Avant le « Da
Vinci
Code »!
Pour
Archéod tu nous as dit que tu avais choisis une ligne
davantage comics que franco belge?
À
la base, quand j'ai commencé à lire de la B.D.,
c'était
des « Spécial
strange », les X-mens de
John Byrne. J'étais fan de cette période : Byrne
au
dessin, Terry Austin a l'encrage et Chris Claremont au
scénario.
Quand j'ai commencé, j'étais donc plus
influencé
par les comics, du moins pour les dessins.
Ensuite,
quand j'ai présenté mes dossiers, en 94, on m'a
fait
remarqué que tous mes personnages avait le même
visage.
Un peu comme dans les comics où tout est
stéréotypé,
car ils doivent représenter la société
américaine. Capuron, de chez Delcourt m'a dit une phrase qui
m'est restée en mémoire:
« Les héros
doivent avoir des gueules ». C'était un
premier
point.
Ensuite,
en ce qui concerne les cadrages, je les faisais trop serrés,
encore comme dans les comics. J'ai dû apprendre la narration,
faire des plans plus larges et des angles de plans plus
variés.
Au
final, en gardant le dynamisme des comics pour l'action et en mixant
avec la narration franco belge, j'ai réalisé
Archeod.
Voila pourquoi quand on regarde Archeod on peut pas dire que c'est du
comics, même si on en sent l'influence, ainsi que celle de
Vatine qui pour moi reste la référence en
matière
de semi-réalisme.
As
tu modifié ton histoire en fonction des conseils des maisons
d'édition que tu consultais?
Non,
mon histoire était prête depuis 93.
Pour
qu'une histoire fonctionne, j'ai besoin avant toute chose d'en
décider la fin. Je pourrais même vous raconter la
fin du
dernier album de « Tessa, Agent
Intergalactique »,
pour lequel on envisage 24 tomes. Par contre, si je le faisais, je
devrais vous tuer ensuite( sourire )...
Comment
as tu fais la connaissance de Didier Crisse?
C'était
lors de ma 3ème séance de dédicaces.
Je ne
connaissais personne dans le monde de la B.D. et j'avais
été
invité à une petite tournée en
Vendée. Je
voulais faire un cadeau à des amis, je leur ai pris un
« Erotic fantasy » ( collectif de
dessins
coquins de Crisse) et je lui ai demandé une
dédicace,
mais avant la séance de dédicace. Il me l'a
faite,
intrigué que je la lui demande avant la séance.
Sur
le chemin pour aller au restaurant, on me tape sur l'épaule,
je me retourne et je vois Crisse qui me dit « C'est
toi
Mitric? ». Il m'a demandé pourquoi je
n'étais
pas venu le voir plus tôt! Il m'a dit qu'il avait lu et
apprécié Archéod. On a ensuite
sympathisé,
le courant est très bien passé. Deux semaines
plus
tard, il m'a appelé pour me proposer de faire le premier
épisode de kookaburra Universe.
Alors?
Je
lui ai demandé d'attendre que je finisse le tome deux
d'Archéod, puis je m'y suis mis. Au départ je ne
pensais faire que le 1er tome de kookaburra Universe mais finalement
j'ai continué la série
régulière.
Mais
c'est promis, je finirais Archéod! Peut être pas
au
dessin mais de toute façons le scénario est
déjà
prêt.
Avais
tu lu Kookaburra avant de faire l'album ?
Non.
J'avais juste feuilleté...
Comment
s'est passée ta collaboration avec Crisse?
Très
bien. On a vécu une super aventure sur le premier tome de
kookaburra Universe. C'est une série où il y a
tout a
créer. Il avait quelques idées, il voulait que ce
soit
autour du personnage de Dragan. Je lui ai proposé quelques
idées et on a mixé tout ça. Bien
sûr il
était maître d'oeuvre sur le projet, mais ca m'a
permis
de m'intégrer davantage dans l'album.
Quand
il m'a demandé ensuite de continuer la série
kookaburra, j'avais une plus grande appréhension car il y
avait déjà trois albums... Et un public. Au final
ça
c'est bien passé . À partir de la planche 19 du
quatrième tome de kookaburra, j'ai eu le déclic
et
c'est parti j'étais dans l'histoire. Ce n'est pas toujours
évident de rentrer dans une histoire quand on est
dessinateur.
C'est une question de réglage.
Crisse
te donnes-t-il l'intégralité du
scénario?
Non.
Ce
n'est pas trop frustrant?
Si.(
rires ) On ne travaille pas de la même façon, lui
et
moi. Je reçois le scénario au fur et à
mesure et
quand je lui demande la fin, il ne peut pas me la donner car elle
est encore en phase de maturation dans sa tête. Il aime bien
faire vivre ses personnages. Moi aussi mais je procède
différemment. J'ai déjà la fin au bout
et lui,
il a un faisceau de fins, qui s'affine en fonction de
l'évolution
des personnages. Maintenant je suis habitué. Et puis j'ai
confiance car Crisse a une longue expérience dans la bande
dessinées.
As
tu eu des contraintes graphiques?
Un
peu. J'ai essayé d'arrondir les formes pour
m'éloigner
du style d'Archéod, qui est plus agressif. Mais en
même
temps je changeais de technique je passais de l'encrage au feutre
à
l'encrage au feutre pinceau ce qui a forcement pour
conséquence
d'arrondir ton style. Finalement c'est bien tombé. Quand on
regarde attentivement les cinq premières pages de kookaburra
Universe et les quinze dernières, qui
représentent
mieux mon style, on voit bien que ce n'est pas la même
chose..
Tu
vas mener la série à son terme?
Oui.
Pour moi, la fin, c'est le tome cinq kookaburra qui va clore le
cycle. Il y aura ensuite un nouveau cycle, qui était
déjà
prévu à la base. Je pense qu'il y aura un
sixième
et un septième tome. Je ne les dessinerai pas, Crisse ne les
scénarisera pas, mais il supervisera. Par contre je
travaille
au scénario d'un Kooka Universe avec les frères
Perru
(Ndr : « Shaman ») au dessin.
Si
tout se passe bien, le cinquième tome de Kooka et le
sixième
de Kooka Universe sortiront l'année prochaine.
Comment
procèdes-tu pour la colorisation, sur Archéod et
Kookaburra?
Sur
le premier Archéod ce fut un peu compliqué car il
y a
eu des problèmes de timing avec les coloristes, mais on ne
rentrera pas dans les détails. C'est pour ça que
j'ai
voulu faire moi-même les couleurs du tome 2
d'Archéod.
Pour
kookaburra, j'ai fais les couleurs de quelques planches, mais Mourad,
mon éditeur, a préféré me
mettre un
coloriste pour me dégager du temps pour faire davantage
albums, ce qui n'est pas plus mal. C'est vrai que la colorisation,
ça
peut immobiliser durant 2-3 mois suivant la vitesse où on va.
Y
a-t-il d'autres auteurs avec lesquels tu aimerais travailler?
Non.
avec crisse ça été une
expérience
formidable et très gratifiante, que ce soit sur un plan
professionnel ou humain, car quand une personne qui a un tel
background viens te chercher pour te demander de bosser avec elle,
ça
fait plaisir.
À
une époque, j'aurais aimé travailler avec Vatine.
Lors
de la reprise d'Aquablue il m'avait dit qu'il avait pensé
à
moi en premier. Rien que ça, c'est comme si je l'avais fait.
Donc pour l'instant je n'ai pas spécialement envie de
travailler de nouveau pour un scénariste.
Comment
est venu l'idée de Verseau?
C'est
venu après Archéod. Je commençais
à me
préparer à l'après Archeod, et on m'a
présenté
Alain Petitclerc. Comme moi, à la base, il était
directeur artistique dans le graphisme, sauf qu'il avait dix ans de
plus. Il voulait depuis longtemps rentrer dans le circuit de la BD.
Il avait la passion de la planche de B.D. ( il a plus de 400 planches
qu'il a dessinés chez lui). Je lui ai dit
« On
mettra le temps qu'il faudra mais on y arrivera » .
Au
bout d'un an et demi on a signé chez Soleil, avec un de mes
meilleurs amis, Laurent Mezarino, qui est co-scénariste sur
la
série car il a fait un important travail de bibliographie.
Verso
parle d'une vision ultra médiatisée du monde : il
n'y
a pratiquement qu'une chaîne, qui a un pouvoir
hégémonique
énorme. Dans ce contexte, Théodore –
l'Homme Éteint
comme l'appelle Laurent Mézarino – a une richesse
personnelle plus grande que beaucoup de pays. On a poussé
les
situations et les personnages au maximum pour imaginer ce qui
pourrait nous attendre dans le futur. Un peu comme dans le film
« Soleil vert ».
Cette
histoire est un projet d'anticipation. L'histoire de Verso a besoin
de mûrir avec le temps. Je pense qu'à un moment on
sera
en phase avec la société, et Verso trouvera son
public.
C'est ce que je trouve intéressant dans les romans
d'anticipation. « la réalité
rejoint la
fiction ». Beaucoup d'écrivains de S.F.
sont des
scientifique et c'est le cas de Laurent Mezarino, qui amène
ce côté cartésien qui s'ajoute
à mon côté
imaginatif.
Et
« la Voie du Silence »?
C'est
autour d'un personnage d'Archéod, Scalm.
Pourquoi
lui?
Pour
la petite histoire, en dédicace, on me le demandait plus que
le héros, alors qu'il n'apparaît que dans 3 cases
et
qu'il ne dit rien. Ce côté mystérieux
attirait
les lecteurs, j'ai donc pensé faire une mini
série où
on raconte pourquoi il ne dit rien, et donc pourquoi il a suivi la
« Voie du Silence ». C'est une
petite aventure
parallèle.
Parlons
un peu de Tessa. Comment as-tu rencontré Louis?
En
2002, je crois, à Angoulème, et j'ai
rencontré
plusieurs fois des gens qui m'ont dit avoir vu une personne dont le
style graphique était très proches du mien. Le
soir, au
billard où on se retrouve tous, Crisse a croisé
cette
personne, qui s'appelle Louis. Et ce qui est amusant c'est
qu'à
lui, on lui avait dit la même chose, comme quoi il avait du
lire du Mitric car on avait les mêmes influences!
Pourtant,
il ne savait pas qui j'étais et moi de même je ne
le
connaissais pas. Crisse nous a présenté, on a
sympathisé et je suis aller voir ses travaux sur son site.
C'est vrai que c'était troublant. On a effectivement les
mêmes
influences ( comics avec Terry Austin ou Vatine dans le
franco-belge). Lui a en plus l'influence de Spirou et de
Maëster
donc ça lui donne un dynamisme encore plus grand. Je me suis
dit j'aimerais bien travailler avec lui.
C'est
trois ou quatre mois après, lors d'un repas chez Soleil, que
Jean Vaquiel est venu me voir pour me demander de bosser avec
quelqu'un. Je venais de signer pour faire la série
« Anatole
et cie », j'avais déjà
« Verseau »,
« La Voie du
Silence »,
« kookaburra »
et « Archeod » à
finir...
J'étais
déjà débordé. J'allais lui
dire un truc
comme « c'est gentil d'avoir pensé
à moi »
et puis il m'a dit que c'était Louis. Il ne fallait pas
laisser passer cette chance. Je pensais qu'il allait reprendre
Archéod, mais Mourad m'a dit que non.
« c'est une
personne qui arrive, qui a beaucoup d'énergie, il lui faut
une
série neuve. »
Comment
est venue l'idée des Agents Intergalactiques?
En
rentrant au studio avec Grey ( ndr-dessinateur de
« la
Voie du Silence »), j'ai regardé de
nouveau le site
de Louis et j'ai écris le pitch de Tessa. Ce qui
l'intéressait, c'était le S.F., avec des petites
nanas
dynamiques à forte personnalité. De plus, il me
fallait
une série qui ne me demande pas trop de recherches,
à
la différence d' Archéod ou de la Voie du
Silence.
J'ai
opté pour la S.F., avec une jeune fille à qui
j'ai
donné le prénom de ma fille. Ensuite, j'ai
pensé
à des séries T.V comme
« Buffy »,
qui fait appel à une culture plus ciblée pour
adolescent. Il me fallait deux niveau de lecture.
Ce
qui m'intéressait dans Buffy c'était le
parallèle
entre vie réelle et vie fantastique. J'ai aussi
pensé à
Highlander pour le coté « il ne peut y en
avoir
qu'un », mais pour l'instant on ne peut pas s'en
douter
dans la série.
Et
Sillage?
Quand
j'ai eu fini les 15 lignes du pitch et je me suis dis
« On
va avoir un souci avec Sillage ». Mais pour moi ce
n'est
pas la même chose, Tessa c'est de l'humour S.F. alors que
Sillage, c'est une réflexion sur notre
société,
à travers la vision d'une adolescente. Il y a
peut-être
aussi de la réflexion dans Tessa, mais ce n'est pas du tout
traité de la même façons.
Plus
les tomes de Sillage et Tessa avancent, plus nos chemins tendent
à
se différencier. Tessa n'est pas un produit qui a
été
marketté pour Soleil contre Sillage et Delcourt.
Tu
aimes ce coté
« serial » ?
Oui,
c'est mon coté comics. Tessa fonctionne par saison de 8
tomes.
Pour la première saison les épisodes sont
relativement
indépendants. Le septième et le
huitième tome
concluront la première saison. On apprendra
l'identité
et les motivations du « sideral
killer », qui
constitue la trame de fond. Ensuite, j'ai encore deux autres trames
de fond de prêtes. Voilà pourquoi j'ai
pensé
qu'il y aurait 24 albums. Et pour moi ça finirait avec une
vraie fin.
Tu
as donné la fin à Louis?
Il
sait tout. Quand je dessine, je continues a
réfléchir
au scénario. Toute les idées qui me viennent, je
les
note sur un cahier. J'utilise cette méthode pour toutes mes
séries. L'avantage, c'est que quand je reprends une
série,
je prends mon cahier, je remets tout dans l'ordre et j'ai une grande
trame d'histoire. Et bien sûr il y a la fin.
Louis
sait déjà tout des 8 premiers tomes, sauf les
détails
ni les dialogues, bien évidemment. Il apporte des
idées
qui m'en donnent d'autres et on avance comme ça. Ce qui est
intéressant dans la création, c'est le
côté
vivant. On met tous nos egos de côté. Pour moi, le
projet est essentiel : si un dessinateur trouve quelque chose de
scénaristiquement intéressant, alors on l'utilise.
Tu
travailles ainsi avec chaque dessinateur?
Ceux
qui le veulent, oui.
Dans
certains cas, comme par exemple sur Anatole et cie, ce n'est pas
possible, car Philippe Fenech habite à Montpellier. On
communique régulièrement, ou on essaye de se voir
quand
l'un passe dans la ville de l'autre. Sur Verso, je vois le
co-scénariste Laurent Mezarino toute les semaines. De temps
en
temps, Philippe Clair nous rejoint.
Globalement
on travaille toujours de la même façon, avec
quelques
modifications suivant les disponibilités de chacun.
Ça
évite la monotonie, je préfère cela.
Le
design du personnage de Tessa, c’est Louis qui te
l’a proposé ?
Oui,
mais je voulais qu’elle soit brune car ma fille est brune (rires). J’ai aussi demandé la « sym
broche »
car c’était important
scénaristiquement.
Tu
lui donne des idées pour les personnages ?
Je
lui donne rarement des directives artistiques, car c’est son
plaisir de créer les personnages. Il y a que pour
« Trésor »,
un personnage du tome 2, pour lequel que je lui ai donné une
directive. Je voulais qu'il ressemble un peu à un hibou ou
à
une chouette. Après, il l’a
interprété comme
il voulait.
Tessa
va-t-elle vieillir sur les 24 albums ?
Elle
va vieillir, mais pas beaucoup. Elle va avoir son anniversaire dans
le tome 6, qui se passera entièrement sur Terre.
C'était
prévu de longue date – mais il y aura quand
même des
aliens.
Elle
aura 17 ans dans la saison 2 et 18 ans dans le dernier
épisode
de la saison 3.
C’est
pour cela que je veux que le 24ème album soit le dernier
car,
après ses 18 ans, elle passera dans le monde adulte et
symboliquement c’est autre chose.
Elle
va mûrir doucement au fil des épisodes. Toute le
difficulté sera de la faire vieillir de deux ans sur 24
albums
et que les lecteurs s’en rendent compte ( rires ).
Crisse
nous parlait du risque de faire une longue saga pour le lecteur qui
lui va vieillir plus rapidement que
l’héroïne. Qu’en
penses tu ?
Déjà,
j’espère que les lecteurs de maintenant pourront
passer les
albums à la générations suivante. En
plus, il y
aura de nouveaux lecteurs qui arriveront en cours. Ce que
j’aime
chez Tessa, c’est qu’il y a une création
perpétuelle
( de nouveaux personnages, de nouvelles situations ) et donc je pense
que les lecteurs pourront s’y retrouver quelque soit leur
âge.
Enfin j’espère.
Tu
as déjà les 24 jeux de mots pour les titres de
Tessa ?
Non
(rires) mais les 8 premiers, oui.
Ces
jeux de mots c’est
pour donner un côté sérial
amusant ?
Oui,
et puis comme je n’aime pas rester dans une ligne directrice,
c’est
possible qu’on arrête les jeux de mots. Ce qui nous
plaît
, à Louis et à moi c’est de surprendre
: il ne
faut surtout pas s’attacher aux apparences. J’aime
faire croire
aux lecteurs qu’ils sont dans quelque chose qu’ils
connaissent
mais en réalité ils seront surpris. Vous verrez,
à
la fin de la première saison...
Comment
est né le projet Anatole et compagnie?
Je
ne voulais pas me cantonner à un genre. Ne faire que de la
S.F., ne m'intéressait pas. Anatole et cie, c'est aux
antipodes de Verseau, mais en même temps je me reconnais
autant
l'un que dans l'autre. Et puis j'ai voulu me faire peur. Ce projet
est le plus dur de tous.
Pourquoi?
Parce
qu'il y a un mécanisme narratif différent de tout
mes
autres projets. Faire un gag en une planche ce n'est pas
évident.
J'ai eu la chance de rencontrer Philippe Fenech, qui d'une part est
talentueux au niveau du dessin, et d'autre part a une énorme
culture. C'est son univers. Il m'a beaucoup appris. C'est une belle
expérience.
Pour
la documentation, comment travailles-tu ?
Ça
dépend des projets. Je puise dans tout ce qui peut me
nourrir,
films, romans, B.D... et surtout dans le vécu. Quand il
m'arrive quelque chose, même quelque chose de
sentimentalement
difficile, je l'écris dans un cahier. Cela me permet
déjà
de l'évacuer et puis ensuite de m'en resservir quand j'en ai
besoin.
Est
tu intéressé par les critiques sur ton travail
dans la
presse ou sur Internet ?
Je
ne vais pas les voir, pour plusieurs raisons.
Lesquelles ?
D’abord,
avec huit séries en cours, je n’ai plus besoin de
rassurer
mon ego. Je n’ai plus à
m’inquiéter des critiques
négatives.
Et
puis surtout, la création, pour moi, c'est quelque chose de
très personnel. Je pense que si je commençais
à
créer quelque chose en me fiant aux avis d’autres
personnes,
quelque part je me trahirais. Je ne veux pas qu’on pense que
c’est
prétentieux de ma part, mais la création
artistique –
qui pour moi est un besoin vital – c’est comme cela
que je la
vois. De toute façons c’est impossible de plaire
à
tout le monde. Ce qui m’intéresse c’est
de donner du
plaisir aux gens.
Y
a-t-il des genres que tu aimerais explorer ?
On
ne m’as pas vu en Fantasy. Pourtant, je voulais commencer par
là
car c’est ce qui m’a nourri à la base.
Quand j’étais
petit, je ne faisais pas de planche de B.D., mais des fresques sur
les murs de ma chambre. C'est vrai que je me vois plus faire des
tableaux, de l’art pictural, que de la planche de BD.
J’ai
aussi quelque chose en tête, plus intimiste. Une oeuvre
où
je pourrai mettre tout et son contraire sans me soucier du regards
des autres. Je pourrais peut-être le faire maintenant mais je
pense être encore trop jeune, il me manque encore du
vécu.
En
BD, je pense que Tessa sera ma dernière histoire de SF. J'ai
Verseau en anticipation et j'aimerais avoir une série en
Fantasy que je ne dessinerai pas. J’aimerais bien
m’arrêter
sur ces trois projets là.
On
m’a aussi demandé du polar mais se serait un
épiphénomène,
car ce n'est pas ma culture. Et puis en ce moment, je travaille sur
la série dérivée de Tessa,
« 42 ».
Elle sera à Tessa ce que Kookaburra est à
Kookaburra
Universe.
Et
puis, je voudrais peindre. J’aime bien me faire peur,
l’aventure
de la peinture on ne m’y attends pas du tout. Au
début je
pense que ce sera assez figuratif, après je ne sais pas.
Quel
regard porte tu
sur la production actuelle en B.D. ? As-tu des auteurs
préférés ?
Je
suis assez large d’esprit. J’ai la chance
d’avoir des amis qui
me font découvrir des choses. Par exemple un album comme
« Green Manor » ne
m’attirait pas, mais comme
un ami me l’a recommandé, je l’ai lu.
C’est fabuleux.
Velman a un tel talent!
J’aime
aussi beaucoup le travail de Springer. Certains auteurs te parlent
plus que d’autres, c’est tout.
Je
ne lis pratiquement plus du tout de comics. Ça
m’est passé,
même si la ligne
« Ultimates » est plus
intéressante grâce au talent de
scénaristes
britanniques qui amènent un côté plus
adulte aux
histoires.
Ce
qui est intéressant c’est qu’il y a une
grande production
et qu’il ne fait surtout pas aller vers une production plus
étroite.
Quel
conseil donnerais-tu à un jeune auteur qui veut faire de la
BD ?
Il
doit faire quelque chose qui lui plaît vraiment. Il
n’y a pas
réellement de voie royale. J’étais
menuisier,
maintenant je fais de la b.d., Louis a été prof
d’électrotechnique pendant 8 ans. Une personne qui
veut
faire de la BD doit avoir le profond sentiment de vouloir en faire
son métier et d’être prêt
à y passer du
temps.
Si
tu étais un perso de B.D. qui serais tu ?
Pendant
longtemps, j’aurais dit
« Gypsy », pour le
coté « faux dur ». Je
crois que je
dirais quand même Gypsy même si du temps est
passé
depuis. J’aime beaucoup le personnage. J’aime ses
insultes (
rires ). Marini, fais-nous la suite !!